18. Défaire la chaîne

L'animateur amène Harold à réfléchir à son orientation de vie lorsqu'il sortira de prison. Dans la solitude de sa cellule, Harold se remémore des épisodes significatifs de sa vie, anciens et récents.

Le passé et l'avenir


Animateur -	La dernière fois, vous m'avez expliqué les raisons de votre rage et vous avez utilisé une expression qui m'a frappé. Vous avez parlé de la chaîne de misère. Comment pensez-vous qu'on peut briser cette chaîne de misère ?
Harold -	(Haussement d'épaules)
Anim -	Depuis que vous êtes en prison, vous avez arrêté de consommer ?
Harold -	Oui.
Anim -	Est-ce que votre santé s'améliore ?
Harold -	Oui.
Anim -	La prison va au moins vous permettre de vous retaper. Qu'allez-vous faire en sortant ? Avez-vous un projet de vie ?
Harold -	Un projet de vie ? Heuhh ! Travailler pour pas crever de faim, ça va être ça, mon projet de vie.
Anim -	Oui, bien sûr, mais ce ne sera peut-être pas suffisant. Si vous voulez briser la chaîne de misère, vous devez commencer par mettre fin à votre propre misère, celle du dedans. À travers votre rage, on sent beaucoup d'énergie. Qu'est-ce que vous allez faire avec toute cette énergie ?

Harold -	Pour briser la chaîne, il faudrait que je revienne en arrière. Mais c'est trop tard, mes enfants sont comme ils sont, ma femme aussi. Je peux pas défaire ce qui est fait.
Anim -	C'est vrai, on ne peut pas refaire son passé, mais on a toujours un certain pouvoir sur notre présent. Quel genre d'héritage voulez-vous laisser à vos enfants ? Je ne parle pas d'argent, là.
Harold -	Le mieux, c'est peut-être de disparaître de leur vie. Complètement.
Anim -	Complètement… hum ! Supposons qu'avant de disparaître, vous deviez passer encore un an avec eux. Durant cette année-là, qu'est-ce que vous voudriez leur transmettre ?
Harold -	Je sais pas… je sais pas. (Silence)
Anim -	Moi, je vois quelque chose, mais c'est quelque chose que personne ne peut vous imposer. Ça doit venir de vous.
Harold -	(Silence)
Anim -	Vous pouvez leur donner l'exemple d'un homme qui a lutté pour se relever.
Harold -	Pendant des années, ils ont eu l'exemple d'un homme qui s'enfargeait. Même si je me relève, ça effacera pas ces années-là.
Anim -	Non. Mais dans les moments difficiles de leur vie, ça se pourrait bien qu'ils se rappellent plus de votre courage que de vos défauts, parce que dans ces moments-là, on cherche à se raccrocher à ce qui peut nous faire du bien et c'est ça qui va les réconforter. Peut-être que cet exemple-là va les aider à ne pas trop rallonger la chaîne de misère.
Harold -	Vous avez des belles paroles. Je comprends que vous voulez m'encourager. Mais moi je le sais ce qu'ils ont vécu.
Anim -	D'après vous, est-ce qu'ils aimeraient mieux vous voir continuer comme avant ou vous voir changer ?
Harold -	Je pense pas que ça fasse de différence pour eux-autres.
Anim -	Ça, j'en doute. Mais peu importe ce qu'ils peuvent en penser, vous, vous avez un combat personnel à mener : changer ou ne pas changer.
Harold -	Vouloir changer, c'est une chose, en être capable, c'est une autre histoire.
Anim -	Vous avez déjà commencé à vous relever. Ça prouve que vous pouvez. Continuez. Vous avez des ressources en vous. Faites ce que vous avez à faire, sans rien exiger ni rien attendre de qui que ce soit. Un jour, les autres vont prendre conscience que vous vous êtes transformé et vous verrez peut-être vos enfants vous revenir, petit à petit, mine de rien.
Harold -	Et s'ils revenaient pas ?
Anim -	… Il n'y a pas de garantie… En tout cas, votre exemple de courage, ça, ils ne pourront pas l'effacer. Mais n'essayez pas de changer pour les autres. Changez pour vous-même, pour devenir celui que vous, vous voulez être. Votre véritable objectif, ce ne sont pas les autres, c'est vous. Laissez les autres se faire par eux-mêmes leur propre idée de vous. Et puis, il y a encore autre chose.
Harold -	Je trouve que mon programme est déjà pas mal chargé.
Anim -	Ah! Ah! Ah! C'est vrai. Vous avez de la job devant vous. Mais il y a quand même autre chose. Avec l'énergie que vous avez, une fois que vous aurez accompli votre transformation personnelle, vous aurez peut-être envie d'essayer de changer des choses autour de vous.
Harold -	Pourquoi je ferais ça ?
Anim -	Ooooh! Pour toutes sortes de raisons. Par exemple, pour aider à ce qu'un Indien, ça vaille un peu plus cher que ce que ça valait avant.
Harold -	Hum !

Harold pourrait faire plusieurs choses pour aider à changer son milieu. Est-ce qu'il pourrait faire ceci :	Sûrement	Peut-être
Commencer par mener lui-même une meilleure vie.
Se rapprocher de ses enfants.
Aider les gens autour de lui.
Travailler avec d'autres personnes à obtenir de meilleures conditions de vie pour tout le monde.
Montrer à des jeunes ce qu'il connaît de la vie en forêt.
S'intéresser à ce que font les autorités et surveiller leurs décisions pour voir si c'est dans l'intérêt des gens.

Méditation

	Harold est assis, seul dans sa cellule de prison. Des bribes de conversation, récentes et anciennes, repassent dans sa tête.

Lucie -	On n'a jamais été une vraie famille.
Harold -	« Je leur ai dit que je savais faire pas mal de choses et que j'étais prêt à faire n'importe travail, mais ça me prendrait une carte de compétence. » « L'idée de retourner à l'école m'est revenue. Mais un soir, il y a un gars au travail qui m'a amené au bar. Il a fait deux lignes de coke, une pour lui, une pour moi. » « Je me réfugiais dans le bois. Je revenais au bout de deux, trois, quatre jours. » « Je faisais du cahier toute la journée. Je passais pour un débile. Aujourd'hui, les enfants ont un peu plus d'aide, dans le temps y en avait pas. »
Animateur -	« Vous êtes pris pour continuer à vivre. Vous êtes pris pour sentir votre cœur battre. »
Participant -	« La rage, chaude ou frette, c'est toujours de la rage. »
Harold -	« Mon père était comme ça, moi je suis comme ça, j'ai transmis ça à ma famille… On se transmet de la misère. »
Animateur -	« Qu'allez-vous faire en sortant ? Avez-vous un projet de vie ? »
Harold -	« Vouloir changer, c'est une chose, être capable, c'est une autre histoire. »
Animateur -	« Vous avez des ressources en vous. Faites ce que vous avez à faire, sans rien exiger ni rien attendre de qui que ce soit. Un jour, les autres vont prendre conscience que vous vous êtes transformé et vous verrez peut-être vos enfants vous revenir. »
	Harold sort de sa poche la carte postale reçue de Marilou, la déplie et la lit.
Marilou -	« J'espère qu'un jour, on sera une vraie famille. Ta fille, Marilou. »

Marilou	Petite soeur	Lucie	Grand frère	Harold

Avec ses deux mains, il porte la carte à son front.