Drogue et cerveau

Les drogues et le cerveau

Quel intérêt y a-t-il à savoir comment les drogues agissent sur le cerveau ?

 

Le fait de mieux se connaître soi-même est déjà une raison suffisante pour s’intéresser à l’action des drogues dans le cerveau. Après tout, c’est notre cerveau qui fait de nous des humains.

Mais il y a aussi une raison pratique.

On dit beaucoup de choses sur les drogues. La science peut nous aider à y voir plus clair et à mieux comprendre ce qui est bon ou nocif● pour nous. Cela peut avoir des conséquences sur le genre de vie qu'on décide de mener.

Le fonctionnement normal du cerveau

Notre cerveau contrôle l’ensemble des réactions et des comportements nécessaires à notre survie et à notre bien-être.

LES FONCTIONS MENTALES

L’activité humaine est composée d’une foule de comportements qui se combinent de différentes manières. Ces comportements résultent d’une interaction continuelle entre de grandes fonctions mentales.

Parmi ces grandes fonctions, on retrouve

  • la cognition●, les capacités mentales liées à laconnaissance des choses, aux idées, au jugement et à la prise de décision.
  • la mémoire
  • les émotions
  • l’apprentissage.

Par exemple, si je pratique un sport avec mes amis, je fais intervenir l’ensemble de ces grandes fonctions. La cognition me permet de décider en toute connaissance de cause de faire cette activité. D’autre part, je me souviens parfaitement du plaisir que j’ai à m’y adonner en compagnie de mes amis. Le fait de les retrouver me procure alors une émotion de plaisir. Des mois et des années d’apprentissage du sport en question me permettent maintenant d’exécuter correctement tous les mouvements et d’en profiter pleinement.

Les drogues agissent sur les structures cérébrales, ce qui modifie le fonctionnement de notre esprit.

Pour comprendre comment se fait cette action, il faut comprendre comment le cerveau travaille.

Les structures cérébrales

Ces grandes fonctions sont étroitement liées à des structures cérébrales spécifiques.

La cognition :

Une partie du cerveau appelée cortex cérébral et en particulier sa partie située à l’avant (au niveau du front) et connue sous le nom de cortex préfrontal est l’une des structures les plus importantes pour la cognition.

La mémoire :

La mémoire est principalement contrôlée par une structure différente appelée hippocampe.

Les émotions :

Les émotions, en particulier les émotions fortes, sont gérées par une autre structure cérébrale appelée amygdale.

L’apprentissage :

Finalement, un ensemble de plusieurs structures cérébrales situées en plein cœur du cerveau et portant le nom collectif de ganglions de la base est responsable de l’apprentissage et de l’exécution des comportements appris.

Les maladies mentales résultent la plupart du temps d’un mauvais fonctionnement de cellules nerveuses faisant partie de ces structures, ce qui finit par provoquer des comportements anormaux.

Le cerveau : un organe à traiter l’information

Les structures cérébrales sont composées de cent milliards de cellules (1011) qu’on appelle des neurones. Les neurones reçoivent des informations de tous les organes du corps. Selon les besoin de notre organisme, le cerveau émet ensuite des commandes d’exécution.

Source : http://fr.dreamstime.com/stock-mage-nerve-cell-image5498781

Exemples de commande d’exécution :

  • activer un souvenir
  • faire un mouvement
  • accélérer les battements cardiaques
  • se mettre en état de défense
  • parler
  • se rapprocher de quelqu’un
  • mémoriser un mot nouveau
  • s’endormir
  • chercher une solution à un problème
  • etc.

 

Cette activité repose sur une communication constante entre les neurones.

La circulation de l’information à l’intérieur de notre cerveau se fait par l’intermédiaire de deux mécanismes : électrique et chimique.

Il existe aussi un autre type de cellule nerveuse, les gliades. Leur rôle principal n’est pas de transmettre de l’information, mais de nourrir les neurones, de les défendre contre les agressions chimiques et d’éliminer les neurones qui sont morts.  On estime leur nombre à cent milliards également.

L’influx nerveux

En premier lieu, les neurones communiquent entre eux par leur activité électrique. Ce courant, qu’on appelle l’influx nerveux, circule d’abord dans le neurone (à la vitesse de 100m/sec, soit 360 km/h).

Chaque neurone est doté d’une longue terminaison, l’axone, dans lequel passe ce courant. L’extrémité d’un axone se termine par une synapse.  C’est dans cette zone que se fait la communication entre les neurones.

Mais les neurones ne se touchent pas : il y a une espace entre chacun d’eux, la fente synaptique. Pour que le passage du courant se fasse, un deuxième mécanisme entre en action, justement au niveau des synapses.

Schéma simplifié d’un neurone

Le noyau est le centre de la cellule : c’est là qu’est sécrété le neurotransmetteur.

Les dendrites acheminent l’influx nerveux de l’extérieur vers le noyau.

L’axone achemine l’influx du noyau vers l’extérieur.

 

 

 

Production de substances chimiques

Selon la nature du message transmis par l’activité électrique, le neurone va fabriquer dans de petits sacs (des vésicules) une substance chimique qu’on appelle un NEUROTRANSMETTEUR (on dit aussi un neuromédiateur).

Le neurone expulse « libère » cette substance par la synapse au bout de l’axone, comme une porte qui s’ouvre : c’est cette substance qui déclenche le résultat que le cerveau commande de produire : faire tel geste, dire telle phrase, penser à telle personne, ressentir telle émotion, etc.

Le méchanisme de neurotransmission

Le neurotransmetteur libéré par le neurone ne flotte pas dans le vide : les dendrites du neurone voisin vont alors s’ouvrir aussi pour absorber le neurotransmetteur.

L’absorption du neurotransmetteur agit comme un signal qui déclenche à son tour un influx nerveux dans ce neurone, et ainsi de suite d’un neurone à l’autre ; et chaque fois, il déclenche la production du neurotransmetteur.

 

Description: Cerveau 2.png

Enfin, lorsque le besoin de l’organisme est satisfait – c’est-à-dire que l’effet commandé par le cerveau a été produit – les neurones récupèrent les molécules de neuromédiateur encore libres mais devenues maintenant inutiles. C’est que qu’on appelle la recapture.

S’il n’y avait pas de recapture, le neurotransmetteur continuerait d’être produit, ainsi que l’effet qu’il provoque.

C’est à ce niveau que les drogues agissent.  Elles empêchent la recapture du neurotransmetteur. L’effet continue donc de se produire, aussi longtemps que la drogue agit.

Le terrain d’action des drogues

Les différentes fonctions mentales et corporelles (respirer, bouger, etc) sont rendues possibles par la production de neurotransmetteurs. On en connait actuellement une soixantaine. Chacun a un rôle spécifique et chaque drogue cible des neurotransmetteurs différents ; c’est pourquoi les drogues ne produisent pas toutes les mêmes effets.

Plusieurs neurotransmetteurs agissent à la fois sur des organes du corps et sur les fonctions mentales. C’est pourquoi les drogues ont un effet à la fois sur le corps et l’esprit.

Neurotransmetteur

Drogue concernée

Le glutamate

est le neurotransmetteur le plus commun. Il intervient dans les fonctions cérébrales liées à l'apprentissage et à la mémorisation. Il joue un rôle aussi dans la transmission des messages de douleur et dans le passage de l'éveil au sommeil.

Le PCP (la phencyclidine)

peut provoquer des symptômes semblables à ceux de la schizophrénie (trouble mental qui crée une impression de dissociation du corps et de l'esprit).

Dans la maladie d'Alzheimer, on observe une production trop abondante de glutamate.

L'adrénaline

stimule la respiration et le rythme cardiaque et dilate les pupilles. En cas de situation de stress occasionné par un danger, l'adrénaline nous permet de réagir rapidement avec une énergie accrue.

 

La noradrénaline

est aussi un stimulant, qui agit sur le degré de vivacité de l'individu et sur le niveau d'agressivité.  Elle participe à la régulation de la douleur, du comportement sexuel et au déclenchement des émotions.

Les amphétamines et la cocaïne

entraînent une forte surproduction de noradrénaline. Le café, le thé, le cacao stimulent aussi sa production, mais plus faiblement.

La dopamine

est produite par les zones cérébrales qui commandent l'exécution des mouvements. C'est un régulateur majeur de l'humeur (la sensation de plaisir) et de la capacité d'attention.

La cocaïne

entraîne un excès de dopamine. Un abus prolongé peut provoquer des hallucinations et des symptômes de schizophrénie. Un manque sévère de dopamine peut entraîner la maladie de Parkinson (qui empêche de faire certains mouvements et mène progressivement à la paralysie totale). Les troubles d'attention et d'hyperactivité chez les enfants sont aussi causé par un manque de dopamine ; le Ritalin stimule la production de dopamine.

La sérotonine

règle notre humeur. À dose normale, nous sommes d'humeur égale ou de bonne humeur ; si on en manque, on devient anxieux. Elle intervient aussi dans la régulation de plusieurs fonctions telles que l'appétit, le sommeil, la douleur, la vision.

L'ecstasy et le LSD

augmentent fortement le taux de sérotonine.

L'acétylcholine

joue un rôle important pour la mémoire, la capacité d'attention et l'apprentissage, dans la régulation de certaines émotions comme  la colère et l'agressivité, dans le mécanisme d'éveil et la sexualité.

On note chez les patients atteints de l'Alzheimer une carence en acétylcholine.

L'endorphine (ou endomorphine)

atténue la douleur, diminue la nervosité et procure aussi une sensation de bien-être. Le stress, l'activité physique et l'acte sexuel stimulent sa production.

L'opium et l'héroïne

augmentent considérablement la quantité d'endorphines. Mais à taux élevé, ce neurotransmetteur ralentit dangereusement la respiration et d'autres fonctions vitales du corps.

Les sucres et les graisses font aussi augmenter le niveau d'endorphines.

Le GABA

est, avec le glutamate,  le neurotransmetteur le plus commun. Il a plusieurs fonctions, telles que le contrôle du degré de stress lié à la peur ou l'anxiété, le contrôle des mouvements et de la vision. Il sert de «joint» entre les neurones.

L'alcool

diminue la sensibilité des neurones au  GABA, ce qui entraîne un effet relaxant, mais aussi la perte d'équilibre.



Les neurotransmetteurs agissent en interaction : c'est ce qui rend possible la coordination entre nos différentes fonctions physiques et mentales, sans même que nous en soyons conscients.

Cette merveilleuse machine nous permet d'avoir toute une gamme de comportements complexes et variés. Grâce à cela, nous pouvons nous adapter constamment à notre environnement et assurer notre bien-être individuel et social.

L'action des drogues vient perturber cet équilibre, en stimulant ou en réduisant la production de certains neurotransmetteurs au-delà ou en-deça des besoins naturels de l'organisme, ce qui modifie les fonctions mentales, le comportement et, dans bien des cas aussi les fonctions vitales du corps.